Béatrice Schobbens Aucun commentaire

Fin de la CCT 19/9, la CCT 19/11 entre en scène ! Le 8 avril 2024, le Conseil National du Travail (CNT), qui regroupe représentants patronaux et syndicaux, signait une nouvelle Convention Collective de Travail (CCT) au sujet des remboursements imposés à l’employeur pour les transports publics utilisés pour les déplacements domicile-travail.  Ces conventions s’appliquent à tous les travailleurs du privé quel que soit leur secteur.

Rétroactes

Pourquoi une nouvelle CCT, si peu de temps après la CCT 19/9 qui datait de 2019 ? C’était une volonté du ministre Gilkinet, obtenue en négociation après que le gouvernement se soit accordé sur une modification de la valeur de l’Avantage de Toute Nature (ATN) des voitures de société au début de l’année 2024. Il s’agissait d’une conséquence indirecte de la réforme sur la (para)fiscalité des véhicules de société menée par M. Van Peteghem. Le mode de calcul de cet avantage avait été modifié pour ne pas trop impacter les conducteurs de ces véhicules. L’autre mesure obtenue en compensation avait été le relèvement du plafond annuel de l’indemnité vélo de 2500€ à 3500€. Par ailleurs, le mécanisme de mise à jour des montants à négocier tous les deux ans, prévu dans la CCT19/9, n’avait jamais été mis en œuvre, ce qui commençait à poser problème dans le contexte inflationniste que nous avons connu.  

Le but ? Que les travailleurs aient un meilleur remboursement de leurs déplacements domicile-travail en train.

Auparavant, les employeurs devaient rembourser à minima un prix forfaitaire, dépendant de la distance parcourue. Ces prix étaient fixes, alors que les tarifs SNCB sont indexés chaque année. Comme nous avons connu une forte inflation ces dernières années, l’intervention minimale de l’employeur était de facto passée de 70 % à environ 56 % des tarifs de la SNCB. La part employeurs représentait donc une partie de plus en plus faible du total du prix des abonnements, laissant le travailleur assumer seul la part restante devenue plus importante.

Notons néanmoins que de nombreux employeurs remboursaient déjà davantage que ce seuil minimal, soit parce que leur CCT sectorielle l’imposait, soit de façon volontaire. Certains remboursaient des frais forfaitaires plus élevés que ceux de la CCT 19/9. Pour d’autres, il s’agissait d’un pourcentage du prix réellement payé (souvent 70 ou 80%). Bon nombre choisissait la formule 80/20, grâce à laquelle, si un employeur privé s’engage à payer 80% de l’abonnement via la formule tiers payant[1] de la SNCB, l’Etat fédéral prenait à sa charge les 20% restant, ce qui permettait au travailleur de jouir gratuitement de son abonnement.  Dans le secteur public, les abonnements étaient obligatoirement remboursés à 100% par l’employeur. On estime qu’à l’heure actuelle, à peu près 100.000 travailleurs doivent payer eux-mêmes une partie de leur abonnement.

Face à l’augmentation des coûts pour ces 100 000 travailleurs, Georges Gilkinet a demandé au CNT de rédiger une nouvelle CCT qui augmenterait la quote-part des entreprises dans les frais de train, et a indiqué que l’Etat ferait également sa part en soutenant les employeurs qui interviendraient de manière plus importante.

Les fameux 71.8%

Concrètement, cette nouvelle CCT indique que Les employeurs devront rembourser au moins 71.8% de l’abonnement de train (grille tarifaire de février 2024). Ce chiffre de 71.8%, qui semble fantaisiste, s’aligne en fait sur ce qui était prévu pour les titres de transport non proportionnels à la distance, c’est-à-dire les abonnements TEC, STIB et De Lijn.

La FEB précise : « Un mécanisme d’adaptation des forfaits est intégré dans la CCT pour une durée déterminée se terminant fin 2029. Durant cette période, il est prévu que les employeurs et les travailleurs supporteront chacun une partie de l’augmentation des tarifs SNCB. Le premier pour cent d’augmentation des tarifs sera entièrement à charge de l’employeur (pour autant que la SNCB augmente effectivement ses tarifs d’au moins 1 %). Toute augmentation supplémentaire sera partagée entre les travailleurs et l’employeur, sachant que l’augmentation mise à charge de l’employeur ne pourra excéder 2,5 % par an. » On voit donc que si, pour cette année, les pourcentages de remboursement du train et du bus sont alignés, ce ne sera probablement plus le cas dans les prochaines années.

En soutien, le gouvernement a proposé une seconde formule complémentaire au 80/20. Les employeurs qui interviennent à minima pour 79.3 % (soit 71.8 +7.5) de l’abonnement verront l’Etat intervenir à concurrence de 7.5% sous la forme d’un crédit d’impôt, pour un coût total maximal de 5 millions d’euros par an, signale  l’Echo. Cette formule laisserait donc seulement 20,7% du prix de l’abonnement à charge du travailleur. L’appellation  “71.8 / 7.5/ 20.7” ne marquera sans doute pas les esprits, gageons que quelque chose de plus engageant sera trouvé par les équipes marketing B2B de la SNCB.

Autre nouveauté : l’intégration des Flex Abo

La SNCB avait commencé à proposer ces formules d’abonnements au printemps 2023, car le COVID avait fait exploser la pratique du télétravail. Il était donc essentiel que la SNCB propose des abonnements adaptés aux travailleurs bénéficiant de cette nouvelle organisation du travail. Pratiquement, ces titres de transport existent en formule mensuelle ou annuelle et ne peuvent s’utiliser qu’avec l’app SNCB.

Auparavant, il n’y avait pas de cadre clair concernant l’intervention obligatoire de l’employeur pour ce type d’abonnement. Désormais, le remboursement est également fixé à un forfait égal à 71,8 % du tarif en vigueur au 1er février 2024.

Petit coup de pouce également pour le bus

Les autres modes de transports publics que le train étaient jusqu’ici remboursés à 71.8% à partir de 5 km. Ce plancher kilométrique est abandonné. L’employeur doit désormais intervenir pour tous les trajets.

Et pour mon entreprise, alors ?

Moyennant validation politique, cette CCT entrera en vigueur le 1er juin 2024. A cette date, qu’est-ce qui change pour vous en tant qu’entreprise ?

  • Si vous remboursiez plus que 71.8% du prix de l’abonnement : rien ne change
  • Si vous remboursiez le minimum : celui-ci devra passer à 71.8%
  • Vous pouvez décider de rembourser jusqu’à 79.3% pour bénéficier du crédit d’impôt de 7,5%. Les modalités pour bénéficier de ce crédit ne sont pas encore connues, elles devront être fixées dans une loi.
  • Si vous avez des travailleurs qui utilisent le Flex Abo, vous êtes désormais tenu d’intervenir, selon les conditions décrites dans la CCT.
  • Si vous avez des travailleurs qui prennent le bus (ou tram, métro) pour moins de 5 km, vous devez maintenant intervenir pour eux également.
  • Il n’y a pas d’impact sur les remboursements prévus pour les autres modes de transport.

 

En bonus : vous pouvez continuer à rembourser par note de frais, mais il est plus intéressant pour vos travailleurs que vous utilisiez la formule B2B (tiers payant) de la SNCB. Cette formule leur évite d’avancer l’argent et permet qu’une seule facture groupée pour tous vos travailleurs arrive directement à l’entreprise. De plus, cette formule vous permet de récupérer la TVA sur les abonnements.

[1] Tiers-payant (comme pour la mutuelle) indique que quelqu’un d’autre que l’utilisateur final prend à sa charge le prix de l’abonnement. Ici, l’employeur et l’état, alors que le bénéficiaire est le travailleur. Pour des pourcentages moindres, l’employeur uniquement