Le sujet a été plébiscité par les Mobility Managers eux-mêmes lors d’un petit sondage envoyé quelques semaines plus tôt. Il est vrai que la multimodalité, c’est-à-dire le fait d’utiliser différents moyens de transports selon les jours et les besoins – et l’intermodalité (combiner plusieurs modes de transport pour effectuer une chaîne de déplacement) s’imposent de plus en plus dans les entreprises pour répondre aux besoins de flexibilité des travailleurs. Le Budget Mobilité accentue encore cette tendance. Mais comment répondre aux besoins spécifiques de ces travailleurs multimodaux ? Comment accompagner les salariés qui souhaitent passer à une mobilité plus multimodale ? Comment faire pour les convaincre ?
La 24e réunion du Réseau des Mobility Managers, programmée le 27 juin 2023, s’est déroulée dans un lieu en parfaite adéquation avec la thématique du jour : le Mobility Center de Liège. Ouvert il y a un peu plus d’un an, l’espace est à la fois un show-room pour des voitures, mais aussi pour des vélos (de tout type) et leurs accessoires, des scooters, des trottinettes… Concession d’un type nouveau, le Mobility Center se veut multimodes, multimarques, multiservices, multimodèles avec, comme l’a expliqué Vincent Remion lors de la visite des lieux, la possibilité via l’enseigne Mobbiz de proposer aux PME une gestion intégrée de leur flotte de véhicules (élargis) de société, notamment dans le cadre du budget mobilité.
Etat des lieux
La mobilité du futur sera nécessairement multimodale. C’est ce qu’a expliqué Colette Pierard dans son introduction. Parce qu’il faut décarboner le secteur du transport, parce qu’il faut diminuer la congestion du trafic et parce qu’il faut limiter la pollution de l’air générée par les particules fines et le dioxyde d’azote émanant des véhicules thermiques. La multimodalité pour une entreprise, c’est proposer aux travailleurs, en fonction de leurs besoins et de leurs envies, un panel de solutions pour rejoindre leur lieu de travail ou pour effectuer leurs déplacements de service. Une offre multimodale est donc un argument à ne pas négliger lorsqu’il s’agit d’attirer, recruter et garder du personnel. Les avantages environnementaux et en matière de RSE sont aussi très importants.
Seulement voilà, les chiffres le montrent, l’usage de la voiture est encore prépondérant et pour développer la multimodalité, il y a encore beaucoup de freins à lever. Parmi eux, une meilleure intégration de l’offre, une meilleure correspondance de la billettique, des tarifs et des horaires. Cela dit, où en est-on aujourd’hui ? Il existe déjà des offres de multimodalité intéressantes : les voitures et les engins de mobilité partagés, les produits combinés de la SNCB (Citypass, Mobility pack, Railease), le budget mobilité et le plan cafétéria, les apps de MaaS… Mais ce n’est pas suffisant et pour faciliter le shift modal, il faudra aussi que se concrétisent de nombreux projets annoncés ou en cours de réalisation comme l’augmentation de l’offre de trains de la SNCB, le redéploiement de l’offre TEC, la mise en œuvre de la vision interfédérale du MaaS, la création de mobipôles, etc.
Des outils pour accompagner les travailleurs
En attendant, dans l’environnement de mobilité actuel, quels sont déjà les outils à la disposition des entreprises pour sensibiliser leurs travailleurs à opérer des choix multimodaux pour se déplacer ? Pour répondre à cette question, nous avons fait appel à Diégo Eggermont d’Espaces-Mobilités parce que l’un des axes de travail du bureau d’étude bruxellois c’est l’activation. Ils se sont en effet spécialisés dans le coaching et l’expérimentation pour lever les barrières et les freins comportementaux et aider ainsi travailleurs et citoyens à l’adoption de modes de déplacements plus durables.
Des exemples d’outils ? Le Mobility Van, le City Game, la Mobility Visit, le Mobility Coaching, le Mobility Passport, le facilitateur mobility & fleet ; autant d’animations imaginées par Espaces-Mobilités que l’on peut déployer à l’échelle d’une région, d’une ville, d’une entreprise pour permettre aux utilisateurs de changer leur façon de voir et d’envisager la mobilité.
L’accompagnement de Tous vélo-actifs, la plateforme Bike to work, les tests de vélos à assistance électriques proposés il y a quelque temps par la Wallonie, le Bike project, le Mobility changers, l’action MobiBW ou le projet CHC Tous à Vélo sont d’autres outils qui participent aux mêmes objectifs.
Des outils pour les services RH
Mais la multimodalité doit aussi se gérer au sein d’un service RH. Comment, en effet, encoder facilement les indemnités des travailleurs multimodaux ? Dans sa présentation, Béatrice Schobbens a énuméré les méthodes traditionnelles (pointeuse, timesheet, Google form, interface du secrétariat social, etc.). Mais pour plus d’efficacité et surtout pour perdre moins de temps, il est possible de se servir de plateformes auxquelles l’entreprise est peut-être déjà abonnée pour la gestion, par exemple, de son covoiturage, de son parking, des trajets à vélo… (MobiCalendar, Commuty, bike to work, Jeasy). Enfin, il existe des outils spécialisés et directement dédiés à la gestion de la multimodalité. La Cellule Mobilité en a fait un comparatif complet sur son site web.
Témoignage
Pour le témoignage, la Cellule Mobilité a fait appel à Thomas Canon d’IBA. L’entreprise néo-louvaniste a, en effet, évalué que 21% de ses émissions de CO2 provenaient des déplacements domicile-travail de ses employés. Son objectif étant d’être neutre en carbone d’ici 2030, l’effort doit aussi se porter sur ce segment. La flotte de véhicules de société devra donc être 100% électrique, mais l’enjeu est aussi de réduire drastiquement cette flotte (pas plus de 25% de voitures) et les déplacements domicile-travail en voiture (pas plus de 20%). Pour ce faire, IBA a fait appel à Mob Box afin de disposer d’un diagnostic précis de la mobilité de ses travailleurs. Il en ressort qu’un report modal vers les transports en commun ou vers le vélo est envisageable pour certains travailleurs surtout que, d’après l’enquête réalisée, 70% d’entre eux se disent prêts à changer occasionnellement de mobilité. L’introduction de dispositions plus restrictives dans la car policy fait partie des leviers identifiés pour atteindre les objectifs fixés. De même que la poursuite du leasing vélo et l’intensification des actions pour promouvoir ce mode. Le potentiel de charge des voitures électriques sur site a été upgradé (+ installation de carports photovoltaïques) et un projet-pilote mis en place pour tester le travail dans des espaces de coworking plus proches du domicile des travailleurs. IBA aimerait, en point d’orgue, mettre en place le budget mobilité, mais c’est impossible actuellement en raison de sa politique de salary sacrifice utilisée jusqu’à présent pour l’octroi des voitures de société (modèle pourtant plus responsable) parce que celle-ci n’est pas reprise dans les conditions d’accès du budget mobilité.